Même si l’origine de la tapisserie d’Aubusson nourrit plusieurs légendes, la petite ville d’Aubusson, située au centre de la France, au bord de la Creuse, et au coeur d’une vallée idéale pour l’élevage des moutons, perpétue plus que jamais cette tradition séculaire.
Certains sont convaincus que les Sarrasins se seraient établis dans la région après leur défaite à Poitiers en 732. D’autres s’appuient sur l’œuvre de l’auteure Georges Sand qui évoque la tapisserie d’Aubusson dans la Tour de Bourganeuf, où le Prince Turc Zizim, qui avait amené avec lui des tisserands, fut prisonnier au XVème siècle. Une dernière hypothèse raconte que Louis I de Bourbon, Comte de la Marche, et son épouse flamande, Marie de Hainaut, auraient fait venir des lissiers flamands et ainsi contribué à implanter la technique.
Le XVème siècle est l’âge d’or du Moyen-Âge et la région d’Aubusson connait un artisanat florissant avec le tissage des « Verdures », tapisseries caractéristiques de la tapisserie marchoise. Aujourd’hui conservée au Musée de Cluny à Paris, la grande tenture dite de la Dame à la Licorne, composée des 6 tapisseries marque l’Histoire. Les commandes de grandes tentures se multiplient au XVIIème siècle et peuvent compter de 6 à 14 tapisseries qui relatent des récits narratifs – bibliques, mythologiques ou littéraires. Elles habillent les murs des demeures et châteaux. Elles sont ornementales mais aussi fonctionnelles afin d’isoler les murs du froid. Sous la gouvernance du roi Louis XIV, les plus grandes cours d’Europe font appel à l’artisanat français et son ministre Colbert soumet alors les ateliers d’Aubusson à un cahier des charges strict pour les déclarer Manufactures Royales. Il insuffle alors la création d’une filière d’excellence, dont les valeurs d’exigence restent le maitre mot de nos jours, au-delà des commandes royales.
À la fin du XIXème siècle, la tapisserie d’Aubusson puise son inspiration dans l’Art Nouveau, et s’illustre à travers des collaborations avec les peintres renommés Paul Véra ou Emile Bernard. Mais la rencontre de Jean Lurçat avec les dirigeants de l’Ecole Nationale d’Art Décoratif d’Aubusson lors de l’Exposition Universelle de 1937 impulse la renaissance de la tapisserie. L’artiste, installé alors à Aubusson, révolutionne les méthodes de création et fait rayonner la tapisserie auprès des plus grands peintres de l’époque. Il fédère autour de lui les premiers peintres cartonniers de l’ère moderne comme Marc Saint-Saëns ou encore Dom Robert. Pour la première fois la tapisserie est reconnue comme une œuvre d’art. Ses créations peuplent désormais les murs des lieux de prestige des cinq continents.
Même si le XXème siècle attire quelques grands artistes comme Le Corbusier ou Calder, très vite de nouveaux médias détournent les artistes de la tapisserie et la plupart des ateliers Aubussonnais disparaissent. La Manufacture Robert Four décide alors de s’engager dans la préservation de ce savoir-faire séculaire en éditant et rééditant des œuvres plus populaires. Ainsi chaque geste de ce savoir-faire continuerait d’être exercé. En 2009, l’UNESCO inscrit la tapisserie d’Aubusson à sa liste représentative du Patrimoine immatériel de l’Humanité et s’appuie sur l’expertise préservée de Robert Four pour dresser son inventaire. L’UNESCO valorise depuis l’existence d’une communauté d’artisans qui maintient le savoir-faire ainsi que le travail d’interprétation des lissières et lissiers à partir d’une maquette d’artiste mais également tous les autres métiers comme filateur, teinturier, cartonnier qui contribuent à prolonger cette excellence.
La Manufacture Robert Four s’impose aujourd’hui comme l’emblème des Savoir-faire d’Aubusson et offre une chance unique en France à ses clients artistes, ou commanditaires (architectes, galeristes, musées…) d’accéder en un même lieu, à toutes les étapes déterminantes pour l’élaboration d’une œuvre tissée. Lorsque son fondateur, Robert Four, reprend l’atelier Simon André en 1952, il érige très vite cet atelier au rang d’une véritable manufacture, la dotant de sa propre teinturerie, de son studio de dessin, de ses ateliers de tissage et de noué-main, dit « Savonnerie », ainsi que d’un atelier de restauration. Plus tard, s’ajoutera la technique du tufté-main pour les tapis, auxquels il confèrera une qualité exceptionnelle inspirée des tapis de Savonnerie. Il ouvre une galerie à Saint-Germain-des-Prés en 1957 où les productions de la Manufacture ainsi que des tapis et tapisseries d’époque sont exposés. La Galerie Robert Four est connue des professionnels comme des particuliers et les étrangers de passage à Paris ne manquent pas de la visiter. Aujourd’hui, Pierre Olivier, son fils, devenu le dirigeant de la Manufacture depuis 1996, perpétue l’engagement familial tout en se tournant vers la nouvelle scène artistique. Il contribue au renouvellement de ce métier d’art si précieux et si rare et l’inscrit dans l’Histoire de l’art contemporain et des arts décoratifs.
La Manufacture Robert Four s’engage en premier lieu en faveur de la transmission des savoir-faire : elle forme une nouvelle génération d’artisans, des cartonniers aux lissiers, qui font preuve d’une nouvelle réflexion sur les matières ou le traitement des couleurs, et réinventent la tradition d’Aubusson.
Pierre-Olivier Four
Aux Verdures
Manufacture Robert Four